27 mai 2010

Ma femme m'a déjà vu mort.

On est à la fin décembre 1964. Mon frère Pierre fait partie de l'armée américaine. Il est dans le " Bérets Verts " et il est venu passer Noël chez nous à Ste-Agathe dans les Laurentides avec un ami Philippin, Tobi.

Son ami doit rentrer à la base dans quelques jours et nous allons le conduire à New York, à l'aéroport JFK. On planifie le déposer et revenir par Stowe, Vermont pour skier. Depuis plusieurs semaines, il manque de neige dans les Laurentides et on veut skier avant que Pierre ne retourne à son poste.

On quitte donc la maison avec la voiture neuve de la famille, une magnifique Chevrolet Biscayne rouge vin 4 portes, modèle 1965, avec un porte ski posé sur la malle arrière. Sur la 87, dans les montagnes au sud de Plattsburg, la tempête s'élève et il n'y voit rien. On roule à 30 milles à l'heure ( 50 km/hre ) sur l'autoroute. Comme on se doit d'être à JFK pour 09:00, on décide de ne pas s'arrêter et de continuer, lentement. On arrive à JFK vers 4 heures le matin, après plusieurs arrêts pour du café et de la bière. Je suis le seul à conduire car Pierre, en service au Vietnam, n'a pas vu de neige depuis plusieurs années et il n'ose pas prendre le volant.

On laisse Tobi à l'aéroport et, on décide de revenir vers Stowe. En remontant, on apprend qu'il pleut et on décide de revenir plutôt à Ste-Agathe, où il neige depuis notre départ. La route est maintenant dégagée et on arrive à la maison vers 13 :30. Comme il a neigé, on décide d'aller skier à notre centre de ski familial, Belle-Neige. Mon autre frère Jacque et mes deux sœurs sont à la maison et décident de nous accompagner. On place les skis sur le support et on retourne par la 117 vers Belle-Neige.

À Val-David, il n'y a ni feu de circulation, ni stop sur la 117. Il y a 3 voies, celle du centre étant utilisée pour les virages à gauche vers le village. Face à la rue du village, il y a une dépanneur en construction ( il y est encore ). De la cour de ce dépanneur, un autobus scolaire jaune sort sans faire de stop et s'engage sur la route. Je klaxonne en freinant. Le jeune conducteur, probablement habitué à une voiture, au lieu de s'arrêter, décide de passer de l'autre coté de la route. Un autobus scolaire c'est long. Je vire vers la gauche pour l'éviter par en avant. Un autobus scolaire, c'est long et c'est jaune. Je suis rentré dedans, dans le centre de l'autobus, qui s'est d'abord penché sur la voiture et à ensuite été projeté quelques pieds en avant. Notre voiture n'avait plus de toit, on était " écrapouti ". Le porte ski, avec les skis, s'est détaché et a été projeté loin, passé par-dessus l'autobus.

Mes deux frères et moi étions sur la banquette avant et mes deux petites sœurs étaient sur la banquette arrière. Évidemment. sous le choc, on a perdu conscience quelques minutes. En me réveillant, on m'a dit de me tourner la tête à droite pour qu'on casse la vitre. On a attaché le câble de la remorqueuse pour ouvrir la portière et m'extirper. On est en 1964 et, sur la banquette avant, on portait tous un ceinture de taille. Pas encore de baudrier. On me sort et je vois mes deux frères sur des civières prêts à partir en ambulance vers l'hôpital. Je reprends mes esprits et je réalise que mes deux petites sœurs devraient être là mais je ne les vois nulle part et on me dit qu'elles n'étaient pas là. Je panique. Je pense qu'elles sont mortes et qu'on veut me le cacher. Je quitte pour l'hôpital.

Au même moment, Denise, que je ne connaissait pas alors, était avec des amis patrouilleurs de ski et ils revenaient vers leur chalet. Ils se sont brièvement arrêtés sur la scène de l'accident et, constatant les dégâts, ils se sont dits " Ils sont tous morts, il n'y a rien à faire. Allons nous-en d'ici ". C'était ma première rencontre avec celle qui deviendrait mon épouse. Elle avait une très bonne opinion de moi.

La suite.

J'ai mon congé de l'hôpital. De bonne douleurs aux avant-bras car j'ai plié le volant. Mon frère Jacque, assis au centre est gardé sous observation pour la nuit et il n'a rien, sauf une petit commotion car sa tête a touché le tableau de bord. Pierre, assis à droite, a eu une petite coupure au visage. Et mes sœurs : très nerveuses après l'impact, elles n'avaient rien. Mais elles n'aimaient pas la situation et, elles ont vu un automobiliste qu'elles connaissaient et elles sont montées avec lui pour revenir immédiatement à la maison. Sans nous le dire car on était dans les vaps.

Pour terminer.

La voiture, les skis, les vêtements, tout a été remboursé par les assurances de la compagnie d'autobus. Si l'autobus avait été chargé de passagers, je n'écrirais rien aujourd'hui car Denise aurait alors eu raison, on serait tous morts.
Dans les jours qui suivent, j'ai eu deux petits accidents de voiture, une en reculant avec la Austin Sprite de Pierre, embuée, j'ai brisé un feu arrière. Et quelques jours plus tard, j'ai eu un accident avec la petite Ford Anglia, alors que ma mère nous a obligé d'aller à la messe de 5 heures. Un vieux monsieur m'a rentré dedans par en arrière alors que je virais à gauche. Si j'avais été plus alerte, je l'aurais évité, Et dans les quelques années suivantes, j'ai été très nerveux à chaque fois que je voyais un autobus scolaire, ou même une masse jaune venant de la gauche ou de la droite.
Depuis, je n'ai eu qu'un seul accident, en 1968, sur la 117, près de Shawbridge, autour d'un autobus scolaire, mais sans aucune faute de l'autobus. Ensuite, aucun accident, même pas d'accrochage.


Mon père examine la voiture le lendemain de l'accident.

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